Alors voilà comment j’imagine les choses, vous avez du temps devant vous, genre une heure à tuer, vous êtes bien installés dans votre canapé, un thé, un petit verre pas loin (tout dépend de l’heure), ça sent le week end. En plus il commence (enfin !) à faire doux dehors et on a le temps de causer. Si vous voulez grignoter un petit truc avec, il y a une recette à la fin du mail.
Certes parler de ChatGPT en ce moment n’a rien d’original. A l’évidence, il n’y a pas que moi que cela fascine et en ce moment toutes les vidéos, tous les podcasts, toutes les newsletters s’amusent à faire composer leur introduction par l’AI et pour être honnête, on ne voit pas toujours la différence.
Pour ma part, j’ai découvert ChatGPT en salle des profs, au détours d’une conversation entre collègues de français qui dissertaient pour savoir si on pouvait encore donner aux élèves du travail de rédaction à faire à la maison dans ces conditions. Le sujet semblait sérieux, jusqu’à ce qu’une des collègues explique qu’elle avait demandé à Chat GPT de rédiger des lettres d’insultes à destination du recteur qui ne lui avait pas donner le poste qu’elle souhaitait “en variant le ton, par exemple, tenez”, obséquieux… Et cette grande amatrice de Proust avait trouvé le robot tout à fait convaincant. Il n’en fallait pas moins pour piquer ma curiosité. Depuis le temps que je lis de la science fiction, nous voilà enfin entrés dans un roman !
La question est d’importance si on veut se faire une petite idée de la réelle intelligence de la machine. La réponse ? A peu près comme ce qui permet à votre téléphone de vous proposer le mot suivant de votre SMS pour vous faciliter la tâche. Chat GPT ne pense pas, il prédit. Il prédit le mot ou le groupe de mots qui complète le plus probablement la phrase en cours.
Plus de détails dans la vidéo de M. Phi : De quoi ChatGPT est-il vraiment capable
Vous pouvez aussi regarder la vidéo de Science étonnante sur la question : Ce qui se cache derrière le fonctionnement de ChatGPT
Donc à priori, rien de bien intelligent. Sauf que de l’extérieur, ça donne diablement le change. C’est un des problèmes les plus mis en avant (par exemple dans le reportage d’ARTE sur les enjeux de l’IA) : quand ChatGPT présente la réponse à une requête, rien n’indique au lecteur les précautions à prendre, la forme est convaincante, donc nous sommes convaincus. L’IA ferait plein de fautes d’orthographe ou porterait un nez de clown que nous serions peut-être davantage enclin à suspendre notre adhésion et à mettre en route notre esprit critique.
Bon, un jour, il faudra aussi adresser la question de la différence entre le cerveau humain et l'ordinateur : de plus enplus nous pensons le cerveau humain sur le modèle de l'ordinateur ce qui n'est pas sans poser problème, mais on s'éloigne de notre sujet.
C’est un grand classique, quand une nouvelle technologie apparaît, elle fait disparaître les métiers les moins qualifiés. Au XVIe siècle déjà, quand on proposa à la reine Elisabeth Ier une machine à tricoter les bas (wiki), elle renvoya l’inventeur horrifiée, lui demandant s’il croyait qu’elle allait laisser mourir de faim tous les pauvres de son royaume (qui vivaient donc de la fabrication manuelle de bas). Rassurez-vous, le brave William Lee trouva refuge auprès d’Henri IV qui finança la première manufacture de bas mécaniques en France.
Et les artisans du textile britanniques sont décidément hostiles aux nouvelles technologie puisque c’est aussi en Angleterre que le mouvement des luddistes (wiki) qui sabotaient les machines accusées de leur prendre leur emploi vit le jour.
Avec Chat GPT, on pourrait assister à un double mouvement, dont nous ne sommes qu’aux prémices.
D’une part, le développement d’un nouveau prolétariat numérique dans les pays du tiers monde pour créer les bases de données et aider à entrainer l’IA. C’est ce qu’explique Defend intelligence La face (très) sombre de ChatGPT. Et pour l’instant, on commence à peine à parler de l’impact psychologique de ce genre de travail (comme dans cet article)
Mais ce qui est nouveau avec le développement de l’AI, c’est qu’il pourrait bien y avoir aussi un effet en haut de la hiérarchie, sur des métiers pour l’instant jugés irremplaçable. Alors la fin des cols blancs ?
En attendant, 80% des youtubers s’amusent à interagir avec l’IA pour faire des vues. Souvent c’est bof (du coup je ne vous donne pas de référence) et plus rarement c’est vachement bien comme dans cette vidéo de critique du film IA par l’AI. Comme c’est probablement un des films de cinéma que j’ai le moins aimé ever, je suis bien contente de voir que certains réussissent en fin de compte à en tirer quelque chose de satisfaisant.
La solution, c’est probablement de s’emparer de l’IA sans attendre et d’en faire ce qu’elle ne doit pas cesser d’être : un outil à notre service. Et ça peut marcher dans plein de domaines, y compris en histoire. L’émission de France Culture “Le cours de l’histoire” en donne deux exemples savoureux :
D’abord l’IA est douée pour inventer sans vérifier, alors faisons lui faire ça : faisons lui inventer une uchronie. Disons que les Romains ont mis au point la machine à vapeur et voyons ce que ça donne… C’est le projet de Raphaël Doan qui vient de sortir Si Rome n’avait pas chuté aux éditions Passés composés en corédaction avec ChatGPT et avec des images créées par l’IA.
Mais l’IA est aussi douée pour traiter un tas de données dans des quantités bien supérieures à ce qu’un humain et même une équipe peut imaginer. Et si l’IA avait la capacité de se coltiner les montagnes de données conservées dans les archives depuis le Moyen Age mais qu’aucun chercheur n’a eu le courage d’attaquer car une vie humaine n’y suffirait pas ? Eh bien ça aussi, c’est possible et c’est le projet e-NDP "Notre-Dame et son cloître" qui porte sur les sources textuelles de la cathédrale de Paris au Moyen Âge et qui est coordonné par Julie Claustre. L’objectif est de faire lire et indexer par l’IA les séries documentaires rédigées par des notaires médiévaux. Une IA paléographe en somme.