J'aurais pas dû sécher la formation sur "comment glander" à l'IUFM...
Aujourd'hui on parle un peu tambouille interne pour les prof. Non, ne partez pas, dans un pays ou TOUT le monde a un avis sur l'école, vous n'allez pas me dire que ça ne vous intéresse pas. Dans cette newsletter, je reviens sur une expérience que je mène depuis le début de l'année, mais je me rends bien compte que ça laisse plein de questions et de sujets annexes en suspens. C'est frustrant, mais comme je ne veux pas non plus vous tuer à la lecture... J'en garde pour une prochaine fois. Du moins j'essaie. Pour les non initiés, le sigle EN est l'abréviation d'Education Nationale, notre Dieu employeur à tous. Je vous mets quelques références en passant pour ceux qui veulent creuser et qui découvriront qu'une difficulté quand on est prof et qu'on veut réfléchir à sa pratique c'est à la fois le manque de temps et d'espace psychique pour penser mais aussi la dispersion des médias où cette pensée peut se développer.
S'il y a bien un truc universellement détesté par les profs (sauf ces veinards de profs de sport), c'est la correction de copies. On est unanime là-dessus. Et non seulement la correction de copies est ennuyeuse mais son intérêt pédagogique est plus que douteux. D'abord parce que rien ne prouve l'intérêt de noter les élèves : le débat a peut-être bien 40 ans et on n'avance pas dessus alors que tout montre l'inutilité, si ce n'est la toxicité de la démarche. Et là vraiment ça mériterait de vous faire toute une autre newsletter tant le sujet est passionnant mais je me retiens et je mets jusque "quelques" références pour les plus curieux. Un prof heureux : les profs notent mal et c'est normal ! https://youtu.be/1MpEG0bb7i0?si=1WvqYOsUY176mme- Evaluer sans décourager par Roch Chouinard https://youtu.be/pWEEQiFS-ik?si=B-AFqNZ4oZ_EfvQR Edukey, Faut-il noter les élèves ? https://youtu.be/DaPKT6h62Rg?si=Xs_kwxNl0s7tFewh La CONSTANTE MACABRE https://youtu.be/Ev58trxf0ns?si=INXYKpji_F-l4gWL Marie-Camille Coudert, Comment les notes démotivent les élèves https://youtu.be/nB7JegM0HtM?si=1Z_dEbDarxmwvU5A
Ensuite parce qu'un élève normalement constitué (même un bon élève) ne va pas regarder plus loin que la note, et au mieux le commentaire, et toutes les pattes de mouche rouges que vous avez consciencieusement rédigées pour l'aider vont passer aux oubliettes. Et puis pour qu'un contrôle soit plus qu'une simple attribution de note, il faut en passer par la correction en classe, et là, tout le monde, prof en premier, meurt d'ennui. Certes revenir sur ses erreurs est particulièrement formateur, mais le fonctionnement habituel de l'EN ne permet pas de faire ce retour sereinement. C'est bien plus un facteur de stress pour les élèves qui se dérobent et logiquement préfèrent faire l'autruche. J'en profite pour rappeler que le stress n'est pas favorable à l'apprentissage. Bref tous les profs seraient plus heureux sans correction. Alors, en juin dernier, je me suis dit : "trouvons une solutions pour limiter les corrections (et moins bosser, hé, hé)." Le résultat n'a pas été celui escompté.
Pour sortir de la correction anti-pédago et de la correction relou, je voyais deux pistes : l'autocorrection par les élèves et l'évaluation par compétences. Côté évaluation par compétences, j'ai assez vite déchanté au vu des retours des collègues. Longue à mettre en place, difficile à appréhender par les élèves, on se retrouve au final avec les mêmes problèmes qu'avec la note (et pas moins de correction). Je vous mets ici les références que j'ai trouvé pertinente sur la question, si le coeur vous en dit. 4 façons d'évaluer sans noter https://capsamea.wordpress.com/2018/09/03/evaluer-vs-noter/?utm_source=pocket_saves Un livret d'apprentissage pour s'adapter et progresser sans notes : https://pedagogieagile.com/2014/04/13/921/?utm_source=pocket_saves c'est un prof qui propose une vision de la pédagogie inspiré par la méthode agile (oui, la méthode de management utilisée en entreprise et tellement intelligente) et qui apporte un éclairage vraiment intéressant sur nos pratiques. https://pedagogieagile.com/2020/06/15/un-manifeste-de-pedagogie-agile/?utm_source=pocket_saves Beaucoup de mes collègues, même les plus fervents soutiens de l'évaluation par compétences en sont revenus.
Côté auto-correction, c'est un peu le désert sur internet. Ce qui s'en rapproche le plus c'est le fonctionnement par plan de travail, que j'avais déjà croisé par le passé. Le plan de travail en histoire-géographie Les plans de travail d'après la pédagogie Freinet https://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/14228?utm_source=pocket_saves Alors, oui, on tombe vite du côté de la pédagogie Freinet et moi je kiffe pour plein de raisons : d'abord parce que le personnage lui-même est impressionnant, ancien poilu, les poumons flingués par la guerre, il retourne dans son école primaire et là, il ne peut plus faire ses cours magistraux comme avant puisqu'il n'a plus de voix et doit tout réinventer. Accessoirement il était socialiste (comme dans les années 20, c'est pas les mêmes socialistes que maintenant, si tant est qu'il en reste) et voit donc dans l'école un enjeu politique. Très tôt il organise de façon associative et collaborative les échanges entre les tenants de sa pédagogie et cette association est encore très active aujourd'hui. Cerise sur le gâteau, comme il a fait toute sa carrière dans l'EN, c'est à peu près la seule pédagogie "alternative" tolérée sans trop d'histoire par la boutique. Un peu plus sur Célestin (oui, M. Freinet s'appelait Célestin) : Freinet : comment réinventer l'école ? https://youtu.be/S0-PXKGY_LE?si=_Nk8IL3oe_5Bnb7E Pédagogie Freinet : l'école ou la vie (1966) https://youtu.be/Kw79JBLJ6XQ?si=Oxw3Edtj-h3sdQEO La Fabrique de l'histoire : l'école moderne de Célestin Freinet https://youtu.be/eqKy5N_NCsk?si=vwz9yIA9WvakFTec
De fil en aiguille, j'en suis venue à tomber sur la classe autonome, une proposition de Julline Anquetin Rault. La chaine de Juline Anquetin Rault : https://www.youtube.com/@JulineAnquetinRault où elle présente sa proposition. Et en une seule vidéo : https://youtu.be/0CRQiY3jWhM?si=SxSQFZoUNVpdlUsB Le principe : un quart de cours magistral, trois quarts d'ateliers et de manipulation (que l'on étiquettera d'inspiration Montessori pour faire plus vendeur). Avant de continuer, je me sens obligée de faire un petit laius sur Maria Montessori (elle aussi) à qui on a fait dire tout et n'importe quoi depuis 15 ans qu'elle est revenue à la mode. C'est un peu comme Catherine Dolto. Sa phrase sur le fait que l'enfant ne joue pas est probablement la plus mal interprétée par une clique de parents désireux de rentabiliser les loisirs de leur enfant productif et parfait. Je vous inviterai donc à vous pencher vraiment sur le personnage, plutôt que sur ce qu'on en fait maintenant. ARTE Reminiscence Maria Montessori https://youtu.be/2KjRYJw_bAk?si=o1wIUnJQQESYtRI4 Qui était Maria Montessori https://youtu.be/ZWO5ogEk11k?si=EHHTv6xJxS2AGbgN Maria Montessori sur l'éducation des enfants https://youtu.be/CUm0c84rRyc?si=4Q50Nbu2GUnpZx8P C'est d'une certaine façon triste à en pleurer de voir que sa pédagogie qui s'adressait d'abord aux enfants les plus démunis et les plus laissés pour compte de son époque, soit devenue l'apanage de petits bobos bilingues nés avec une cuillère en bambou recyclable dans la bouche (on sait jamais les métaux lourds...) et déjà à deux doigts du surmenage.
Revenons à nos moutons, ou plutôt à notre classe autonome. Lors des ateliers les élèves suivent un plan de travail (le revoilà) en autonomie, seuls ou en petits groupes et le professeur valide au fur et à mesure les avancées des élèves, répond aux questions, relance les paresseux (et accessoirement évite qu'Adem ne poignarde ses camarades, mais ça c'est seulement pour la 6eD). Ca me plait et ça me parle et surtout ça semble la solution idéale à mon "problème 6e". Mon "problème 6e", c'est la sensation qu'à chaque heure où ces petites têtes (rarement blondes) s'appliquent à écrire méticuleusement les cours sur leur cahier, mon cerveau rétrécit un peu plus. Une vraie peau de chagrin. Si on pouvait mourir d'ennui, je mourais 4 fois par semaine en les regardant travailler. Ne nous y trompons pas, ce n'est pas de leur faute, ce sont des 6e normaux, de bonne volonté (sauf Adem, vous l'aurez suivi), intéressés. Il n'y a rien à leur reprocher. Ils sont contents d'être là (pour la plupart), ils posent des questions (et pas seulement "est-ce que je colle la feuille ?""). Mais j'ai quand même l'impression que mon cerveau est une voiture en seconde sur l'autoroute. Je ne devrais pas me plaindre, l'enchantement prendra fin dès l'année prochaine et alors... Pour mieux comprendre, rien ne vaut la musique, alors je vous ai ressorti une chanson que j'écoutais au début de ma carrière, mais les 6e n'ont pas changé... https://youtu.be/qAZVlt5FQds?si=7swJuqieGeHzN3OO
Et voilà comment en cherchant à passer moins de temps à corriger des copies, je me retrouvais à refaire tous mes cours de 6e. J'ai décidément dû râter l'UV "prof feignasse qui bosse jamais". Donc c'est parti, je redécoupe mes cours, isole les éléments qui deviendront des ateliers, réécris le cours pour qu'il soit plus "magistral", investis dans une collection de tampons smiley pour valider les ateliers et des gros classeurs pour ranger les feuilles d'autocorrection, fais des séances de découpage-collage pour créer mes nouveaux ateliers et désespère de trouver des plaques de polystyrène dans les magasins de bricolage parisiens.. Clairement les élèves sont contents et ça leur plait. Ils attendent avec impatience les ateliers. C'est d'ailleurs la première question qu'ils me posent en entrant en classe "madame , est-ce qu'on va faire des ateliers aujourd'hui ?". Si je leur répond non, j'ai intérêt à leur promettre un film en contrepartie, rien de moins. Et puis ils adorent mes smileys. Un autre avantage de changer de pédagogie c'est qu'en atelier, chaque élève travaille à son rythme et donc je peux prévoir des trucs en plus pour les rapides qui ont toujours fini avant tout le monde (et en 6e les écarts d'un élèves à l'autre sont énormes) et qui s'ennuient, en règle générale en silence, mais quand même c'est toujours dommage pour eux. Grâce aux ateliers, j'ai la possibilité de leur donner des pistes d'approfondissement, pas indispensables au cours mais qui les nourrit. Comme on ne se refait pas et qu'il faut quand même que je puisse remplir mes bulletins, je décide d'attribuer une note d'implication pour valoriser le travail fait en atelier. Je fixe la réussite moyenne, c'est-à-dire le fait d'avoir validé tous les ateliers obligatoires à 16 et je rajoute des points pour les speedy qui font des ateliers en plus (ou qui choisissent d'aider un de leurs camarades).
Retour d'expérience. D'abord c'est long à mettre en place, mais c'est logique avec des 6e. Tout est long à mettre en place avec des 6e. En même temps, je me dis que c'est plus facile puisqu'ils ne savent pas à quoi s'attendre au collège. J'aurais probablement eu plus de réticence de la part des 4e, plus encore quand ils se seraient rendus compte qu'ils allaient devoir travailler. Ensuite même une fois rodé, ça reste bruyant : ça bouge, ça échange, ça travaille en groupe. Et surtout, ça a toujours besoin que je vienne valider leurs ateliers. Ca m'épuise. Bonne nouvelle, je ne m'ennuie plus. Côté timing, c'est assez difficile à gérer : je tatonne encore pour trouver le bon dosage entre le temps attribué au cours (toujours plus lent que ce que j'imagine avec les 6e) et le fait de garder suffisamment de temps pour les ateliers. Disons que c'est en rodage. Le truc qui me semble vraiment positif c'est que pendant le temps d'atelier tout le monde travaille. Bon presque tout le monde, il y a toujours des irréductibles que les professeurs des écoles avaient déjà repéré (et revoilà Adem). Je ne fais pas encore dans le miracle. Mais les passifs et les semi-illéttrés, une fois passés les premiers moments de perplexité, finissent par s'y mettre et j'en viens à croire qu'au final ils sont plus actifs que lorsqu'ils attendent gentiment que leurs camarades fassent le cours dialogué. Un bilan globalement positif, alors ?
Jusqu'au contrôle. Le test du feu. Alors, ai-je trouvé LA méthode ? Suis-je devenue une super pédagogue ? Quel suspens jusqu'au premier contrôle ! Et... quelle déception après... ! Vraiment les premiers résultats ne sont pas brillants. A croire qu'eux et moi n'avons pas assisté au même cours. J'étais DE-PI-TEE, prête à jeter mes nouvelles pratiques (et par la même occasion le texte de cette newsletter) à la poubelle. Et puis. Et puis j'ai corrigé le paquet de 5e. Cours standard et bien rodé, contrôle tout aussi standard (5e année que je l'utilise peu ou prou) et pas particulièrement difficile, élèves réceptifs en ce début d'année. Et là... catastrophe aussi !!! Exactement comme les 6e. Peut-être que je ne suis décidément pas une bonne prof. Mais si, généreusement, on écarte cette hypothèse, peut-être que le vrai problème, ce n'est pas la pédagogie, ce n'est pas de "ludifier" nos cours ou de les rendre plus fun mais la désirabilité de l'enseignement et de la réussite scolaire pour les élèves. Qu'est-ce qui explique que les élèves de 3e galèrent à retenir comment la 1ère guerre mondiale a commencé alors que mon fils de 8 ans est capable de vous réciter dans l'ordre l'entrée des puissances dans la guerre avec le jeu des alliances sous-jacent ? A part le fait que ce soit un petit génie, bien sûr. L'enjeu pour mon fils, c'est de raconter une histoire avec son papa. L'enjeu pour les 3e, c'est au mieux d'éviter les emmerdes liées à leur manque d'implication. Bien sûr mon point de vue est biaisé par le milieu de mes élèves et il existe peut-être d'autres établissements où l'adhésion au système scolaire fonctionne encore très bien, soutenu par les parents. Mais chez moi, on peut essayer de rajouter du ludique pour faciliter le travail d'adhésion mais ce n'est pas le coeur de l'enjeu. Et là vous voyez le gouffre qui s'ouvre sous mes pieds et dans lequel j'éviterai de sauter à pieds joints tout de suite car cette newslettter est déjà fort longue : comment rendre l'école et l'apprentissage désirable dans des milieux où elle est d'abord un repoussoir ? Comment donner aux élèves envie de réussir quand ils se sentent prédestinés à l'échec, ce que toutes les évaluations précédentes ont confirmé ? Finalement ne pas adhérer n'est jamais qu'une façon de se protéger face à un échec programmé. Et on comprend que certains élèves me disent que l'école ne sert à rien : c'est une histoire d'amour déçu. Et ça reboucle avec le début de ma réflexion sur le caractère néfaste des notes. Un cercle vicieux.
Marianne Graselli-Meyer. https://espritdefemme.ch/ Marianne Graselli Meyer a l'air d'une touche-à-tout : musicienne, chamane et écothérapeute, elle propose de remettre le lien à la nature au coeur de notre spiritualité. Elle est la créatrice des écorituels et elle a beaucoup travaillé pour une meilleure connaissance du cycle féminin pour laquelle elle propose de chouettes magnets. Son enseignement s'appuie avant tout sur ses pratiques artistiques. Je vous conseille son livre "Devenir chamane, même pas peur" et sa chaine youtube https://www.youtube.com/@mariannegrassellimeier6550
Besoin de légèreté ? Imaginez une orc mercenaire qui décide de raccrocher son épée, Noirsaignée la bien nommé, pour ouvrir une taverne qui vendra un brevage gnome : le café. Voilà le pitch de départ de Legende and Latte de Travis Baldree. Sans prétention mais c'est juste l'occasion de rester sous un plaid en cette saison.
Pour ce mois de novembre gris, rien de mieux que du orange et de la cannelle pour pimper notre humeur. Je pique donc la recette de pumpkin cinnamon rolls de Cléa mais elle est trop parfaite pour ne pas être partagé. Pour la pâte :
80 ml de lait
30 g de beurre (ou autre matière grasse au choix)
150 g de purée de potimarron